Etzer S. Émile participera à la 24e édition de Livres en folie, laquelle se tient du 31 mai au 1er juin au Musée du panthéon national (MUPANAH). L’économiste signera son premier ouvrage intitulé Haïti a choisi de devenir pauvre, grâce auquel il dresse un diagnostic de nos problèmes en exposant 20 raisons qui accusent principalement le pays de son propre malheur. Basé sur des données socioéconomiques et politiques empiriques, ce livre invite donc à mieux exploiter nos ressources et à emboîter enfin le pas au développement durable.
Par Sindy Ducrépin | Le Nouvelliste
Le 11 Mai 2018
«Haïti a choisi de devenir un pays pauvre» s’érige en miroir. Un miroir nous mettant face à la déstructuration de notre économie, à l’effondrement de notre corps social, au processus lent de désinstitutionnalisation. Bref, nos manquements et nos irresponsabilités. « Cet ouvrage d’Etzer Émile nous arrive à un moment de toutes les incertitudes. Un début du XXe siècle haïtien caractérisé par les vulnérabilités environnementales aiguës, la fragilité du tissu social, un cadre politique déconfit qui fait fuir les investisseurs, une économie de comptoir axée sur l’exclusion qui alimente les inégalités, et des institutions de l’État en pleine déliquescence. L’auteur veut se démarquer des réponses habituelles qui tendent à blâmer l’autre pour nos malheurs, tout en admettant une certaine responsabilité de l’autre ou une certaine complicité », affirme l’économiste Fritz Alphonse Jean.
De l’ingérence et l’explosion des ONG à l’absence de politiques éducatives et migratoires adéquates et efficaces, les analyses de M. Émile sont, dépendamment de la suite, malheureusement ou heureusement bien fondées. Néanmoins, les 20 raisons avancées par M. Émile ne sont aucunement « des recettes pour des solutions toutes faites », comme l’affirme le préfacier du livre. Mais les arguments du jeune économiste doivent être soumis au débat afin de trouver un dénouement positif, lequel empêchera au pays de rester avec l’étiquette de pays pauvre. « Cette radiographie des sources de la pauvreté haïtienne permettra de mieux chercher des solutions si nous ne souhaitons, après l’être devenu, rester un pays pauvre », fait remarquer Frantz Duval en quatrième de couverture.
Etzer Émile couvre donc la période post-dictature qui, d’après lui, fait corps avec la stagnation politico-économique des 30 dernières années. « En ce qui nous concerne, nous avons plutôt choisi d’inscrire ce travail dans le contexte historique post-Duvalier qui coïncide avec les 30 ans de « cette transition qui n’en finit pas », pour analyser les choix et les comportements des différents secteurs, du public comme du privé, des milieux politiques comme économiques, sans négliger la dimension sociologique. Nous allons ainsi essayer de saisir le lien qui existe entre ces choix et le processus de production, de reproduction et d’accélération de la pauvreté en Haïti », explique le professeur d’Université, proposant au début de son texte un cadre conceptuel qui permettra un meilleur échange entre le lecteur et lui.
« Les concepts de ‘’pauvreté’’ et de ‘’pays pauvres’’ ont toujours été complexes et n’ont jamais fait l’unanimité dans leur acception. La pauvreté est à la fois multidimensionnelle et relative. En d’autres termes, elle ne doit pas être réduite à sa seule expression monétaire, qui est sa définition la plus courante. Son sens s’attache de préférence à un ensemble de caractéristiques tantôt mesurables, tantôt insaisissables », précise le directeur du Centre d’entrepreneuriat et d’innovation ayant survolé les écrits de penseurs, économistes, sociologues, philosophes et certaines organisations internationales dans le but de comprendre le sens de la pauvreté. Tels Adam Smith, Charles Booth, Rowntree, Hunter, Peter Townsend, Rawls, entre autres.
Par ailleurs, les 10 premières raisons exposées par Etzer S. Émile sont les suivantes : Un modèle économique axé sur la rente au détriment de la production nationale, Nous avons cautionné l’ONG-isation comme modèle de développement, Notre système d’éducation a choisi de former des professionnels pour amasser de la richesse et non pour en créer, Nous avons choisi de laisser appauvrir l’EDH au lieu de réaliser une vraie réforme du secteur énergétique, Nous n’avons jamais pu construire des institutions inclusives, fortes et permanentes, Nous avons confondu ouverture économique et libéralisation totale de l’économie, Nous n’avons pas encore compris que le développement du pays doit passer par le développement local, Nous avons choisi de ne pas rendre accessibles les services financiers et n’avons jamais fait de la création d’emplois une priorité, Une bonne partie de la classe possédante n’a pas encore compris que plus les consommateurs seront riches, plus elle s’enrichira, Nous avons délibérément détruit notre environnement physique naturel sans penser aux conséquences.
Les 10 autres sont : Nous avons choisi de ne pas résoudre le problème foncier, Nous n’avons pas pu transformer l’exploitation des mines en une source de création de richesse et de revenu, Nous avons privilégié l’agriculture familiale au détriment de l’agriculture compétitive, rentable, moderne et à grande échelle, Nous favorisons la fuite des cerveaux, Nous faisons preuve d’un manque d’initiative personnelle, collective et citoyenne, Nous avons refusé de diversifier les partenaires économiques de notre pays, En voulant vivre comme des riches, la classe moyenne s’appauvrit, L’économie haitienne n’a pas su exploiter intelligemment le support de la diaspora, Nous n’avons pas fait de l’exportation une priorité, Nous avons peur de réussir. Le tout combiné en 251 pages.
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